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Bonsoir Père Angelo, 

la Vierge est la reine des anges et des saints. Elle est donc la plus « sainte » de tous les êtres créés. J’ai entendu qu’étant privée du péché originel, elle n’avait pas l’inclination au péché, par conséquent il lui était beaucoup plus facile pour elle de ne pas pécher que cela ne l’est pour les Anges et les autres hommes…

Si c’est le cas, pourquoi est-elle au-dessus de tous les Anges et les Saints qui ont certainement dû lutter durement pour ne pas pécher et pour accomplir la sainte volonté de Dieu?

De plus, je voudrais comprendre ce que signifie ne pas avoir l’inclination au péché. Je pense que cela signifie ne pas avoir l’inclination envers les 7 vices capitaux, bien ancrés en nous, et d’où proviennent tous les péchés. Mais alors, pourquoi y a-t-il ce culte particulier de Marie (hyperdulie) si elle n’a pas dû faire le moindre effort pour ne pas pécher puisque cela lui était naturel ?

Dans le premier Mystère de la Joie, on contemple par exemple le “oui” de la Madone à l’Archange, mais étant dépourvue de l’inclination au péché, il lui était difficile de dire non à Dieu. Alors, pourquoi cet étonnement devant le consentement de la Vierge? Je suis plus surpris par le oui de St Joseph qui a du croire en quelque chose d’invraisemblable (la virginité et la maternité de Marie); qui a du lutter contre la concupiscence toute sa vie (il n’est pas facile de vivre avec la femme que l’on aime et rester vierge), et pourtant dire son oui à Dieu !

Je ne veux pas donner l’impression de vouloir rabaisser la Vierge, à laquelle je suis très attaché, mais je ne lui connaissais pas cette caractéristique. Je connaissais son Immaculée Conception, mais je pensais qu’elle avait toujours eu l’état que nous avons après le Baptême. Je ne savais pas qu’en réalité elle était dans un état semblable à celui d’Eve au Paradis. Cela m’a laissé perplexe et je vous ai exposé les doutes qui me sont apparus.

J’aimerais également savoir quelle est la différence entre Eve et Marie? Toutes les deux n’avaient pas l’inclination au péché. Mais alors pourquoi Eve a-t-elle péché et Marie non ? Autrement dit, je pense que deux personnes dans la même condition devraient faire le même choix: donc, si Marie a fait le bon choix, je pense qu’elle avait quelque chose de plus qu’Eve, mais quoi? Cela était-il donné par Dieu ou était-ce un mérite de Marie?

Je voudrais encore vous poser une question: si Dieu savait qu’Eve aurait péché contrairement à Marie, pourquoi n’a-t-il pas fait de Marie la première femme pour que les hommes ne soient pas victimes du péché originel avec tout ce que cela implique?

Enfin: si nous avions été (l’humanité entière) dans le Paradis terrestre à la place d’Adam et Eve, aurions-nous mangé la pomme (certainement pas la Vierge)?

Cordialement

Dylan

Réponse du prêtre

Cher Dylan,

La sainteté ne consiste pas en la lutte ou la difficulté pour vaincre la tentation, mais en l’amour. On peut lutter et mal travailler et ne rien mériter. 

La Vierge est Celle qui a le plus aimé parce que Dieu lui a insufflé un degré d’amour si grand qu’il surpasse celui de tous les Anges et les Saints réunis. Dieu, dans sa bénédiction, a voulu cela pour que Marie soit à notre place sa digne Mère et également pour nous donner une Mère aussi grande et donc aussi sainte et toute-puissante.

2. Il est certain que les tentations sont un stimulus pour accroître l’amour.

Et nous pouvons très bien penser que comme Jésus a voulu être soumis aux tentations du diable (non pas à celles qui viennent des sens parce qu’il ne les avait pas), de même la Vierge a  dû avoir ses tentations.

3. Mais, sans entrer dans le discours des tentations puisque l’Écriture Sainte n’en parle pas, on peut parler des épreuves de la Vierge, de ses douleurs.

Or, si la douleur pour une réalité est proportionnelle à l’amour pour le bien opposé, on doit convenir que la douleur de la Vierge a été très grande, presque incompréhensible pour nous. C’est précisément parce qu’elle était “pleine de grâce » que la Vierge a bénéficié, comme aucun autre saint, des dons de l’Esprit Saint qui lui donnait une intuition extraordinaire de ce qui se passait dans l’âme de Jésus.

La douleur que le Christ a éprouvée pour les péchés était immense et continue. Elle a commencé dès le premier instant de son existence. C’était une douleur plus grande que toute autre douleur, comme l’a dit saint Thomas: «Le Christ s’est affligé non seulement de la perte de sa vie corporelle, mais aussi des péchés de tous les autres hommes. Sous cet aspect, sa douleur a dépassé celle que pouvait provoquer la contrition chez n’importe quel homme (Qui dolor in Christo excessit omnem dolorem cuius liber contriti).Car elle avait sa source dans une sagesse et une charité plus grandes et augmentait en proportion. D’autre part, le Christ souffrait pour tous les péchés à la fois, selon Isaïe (53, 4) « Il a vraiment porté nos douleurs ». » ( Somme théologique, III pars, 46, 6 ad 4). Et Thomas de Kempis: «Toute la vie du Christ a été croix et martyre» (Tota vita Christi crux fuit et martirium; Imitation du Christ, II , 12).

4. Cette douleur a été perçue par la Vierge et elle l’a partagée de manière extraordinaire, précisément parce qu’elle a été appelée à être la nouvelle Eve.

C’est pourquoi l’Église applique aussi à la Vierge les mots qu’on lit dans les Lamentations de Jérémie en référence à Jésus:  « Ô vous tous qui passez sur le chemin, regardez et voyez s’il est une douleur pareille à la douleur que j’endure, celle dont le Seigneur m’afflige, le jour de sa brûlante colère ! » (Lamentations 1,12). Ces épreuves et ces douleurs ont augmenté encore plus son amour et son mérite.

5. Certes, la Vierge n’a pas eu l’entrave des inclinations au mal.

Elle n’a pas eu ces obstacles qui constituent pour nous tous un frein à la croissance dans la sainteté et dans l’amour. C’est précisément parce que ces obstacles n’existaient pas que nous pouvons comprendre combien a été grand son amour pour le Seigneur et aussi pour chacun de nous à chaque instant de sa vie.

6. En ce qui concerne Eve, elle a été créée elle aussi dans la grâce. La Vierge a eu une sainteté bien supérieure à celle d’Eve.

L’Église, comme je l’ai déjà dit, considère la sainteté de Maire supérieure à celle de tous les Anges et les Saints réunis, donc aussi à celle d’Eve. D’autre part, la Vierge eût une si grande quantité de grâce car elle était prédestinée par la bonne volonté divine à être dans l’ordre de la grâce la Mère providentielle de chaque personne vivante.

7. Tu me demandes également: Pourquoi Dieu n’a-t-il pas mis Marie à la place d’Eve dès le début?

Parce que notre condition – en ce qui concerne la grâce – est supérieure à celle d’Adam et Eve, après la redemption du Christ. Après le péché originel, nous avons connu le Christ dans sa douleur et dans son amour. Nous pouvons être rendus participants des ses mérites infinis. Il les a soufferts pour nous, afin qu’ils soient notre mérite devant le Père pour toujours. 

C’est pour cela que la Liturgie de l’Eglise, à la veillée du Samedi Saint, chante avec Saint Augustin: « Ô heureuse faute qui nous valut un tel Rédempteur ! ».

Le Catéchisme de l’Église catholique cite une déclaration de saint Thomas : «Mais rien n’empêche que la nature humaine ait été élevée à un niveau supérieur après le péché; car Dieu permet le mal pour en tirer un plus grand bien. Comme dit S. Paul (Rm 5, 20) « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé. » Et l’on chante dans la bénédiction du cierge pascal : « Heureuse faute, qui nous vaut d’avoir un si grand Rédempteur !  » » (Somme théologique III pars, 3, ad 3), (CCC 412).

S’il n’y avait pas eu de péché originel, Marie ne serait pas devenue si grande, voire Mère de Dieu.

Comme tu le vois, Marie ne pouvait pas être mise à la place d’Eve. Il a fallu le péché originel pour avoir la Vierge (ô heureuse faute !).

8. Enfin, tu me demandes: s’il y avait eu (toute l’humanité) dans le Paradis terrestre à la place d’Adam et Eve, aurions-nous mangé la pomme (certainement pas la Vierge)? Outre le fait que l’Écriture Sainte ne parle pas d’une pomme, mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (ce qui est très différent), il est certain que la Vierge n’aurait pas péché en raison de sa quantité illimitée de grâce et d’amour pour Dieu. Elle a été confirmée dans la grâce, disent les théologiens.

Aurions-nous chuté dans la condition d’Eve ?  Il est difficile de répondre.

Il est certain que chaque péché que nous commettons est en quelque sorte une réitération du péché d’Adam. Encore une fois, nous sommes nés déjà enclins au mal, alors qu’Adam ne l’était pas. Nous ne pouvons donc rien dire à ce sujet.

Merci pour tes différentes questions. J’espère avoir renforcé ta dévotion et ton affection pour la Grande Mère de Dieu.

Je te souhaite le meilleur,

Je prie le Seigneur pour toi et je te bénis.

Père Angelo